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Voici l’histoire de la libération du village de Wallers, près de Valenciennes
 par les troupes canadiennes en octobre 1918

(document aimablement fourni par M. C.SIMON de Wallers)

Elle nous est racontée par deux cousins ayant 12 ans à l’époque.

C’est également l’histoire de la dernière action du caporal Gray, tué le 20 octobre, et dont nous conservons le souvenir avec le fils d’un des deux cousins.

Octobre 1918 : Depuis août 1914, notre région est occupée par les allemands. Cependant, plusieurs indices nous font penser à une libération prochaine. 

Les allemands organisent leur départ. Ils font sauter le clocher de l’église Saint Barbe d’Arenberg, de nombreux carrefours sont minés dans le village : les quatre rues, le Pont de pierre, etc…. les troupes repassent à pied sans arrêt, le profil bas, avec des scènes d’insubordination surprenantes. 

Le bruit du canon que nous percevions parfois, quand le vent était favorable, est maintenant permanent et de plus en plus proche.

Le matin du vendredi 18 octobre, les « boches » nous sortent de nos maisons en hurlant que tout allait sauter. Les artificiers mettaient le feu aux mines. Tous, jeunes et vieux, nous courions aussi vite que nous le pouvons.

Un vacarme extraordinaire accompagné d’un tremblement de terre nous arrêta et nous jeta tous contre terre. la route tremblait, à un point que l’on aurait pu croire qu’elle était minée également.

Le danger que l’on craignait dessous était au-dessus. Malgré la centaine de mètres qui nous séparait du carrefour du Pont de pierre, il se mit à pleuvoir des pierres, des pavés et un tas de choses. Le carrefour, les maisons environnantes, tout tournoyait en l’air et retombait avec fracas.

Afin de permettre la défense ou l’évacuation de valenciennes, les allemands avaient disposé, entre autres, un barrage entre Bellaing et Wallers. Il avait pour mission de retarder l’avance des Alliés.

Ils utilisèrent le talus formé par la ligne de chemin de fer reliant la fosse d’Arenberg à Denain comme rempart pour abriter leurs troupes. Une mitrailleuse, en avant-poste dans une tranchée circulaire près d’une ancienne carrière d’argile, était le centre du dispositif. Une batterie d’obusier (plus probablement de mortiers) était en position à la cachette (rue B. Malon) entre deux chaumières, position qui dominait le vallonnement. C’est à ce dispositif qu’allaient se heurter nos libérateurs.

Un bruit court dans le quartier : nos soldats sont dans Wallers depuis cette nuit. D’un commun accord, mon cousin et moi n’y tenant plus, nous décidons d’y aller.

Ils arrivaient par la rue du Faubourg, marchant le long des murs, fusils en main. La difficulté pour avancer n’était pas la résistance de l’ennemi, mais les acclamations des habitants. Ce n’était pas des soldats français comme nous le pensions, mais des canadiens francophones. Vite nous faisons demi-tour, contents de les avoir vu et de pouvoir confirmer la nouvelle.

En arrivant dans les gravats du carrefour, nous croisons un sergent allemand qui allait en direction du village. Son manteau d’artilleur ouvert, sans arme, en touriste en quelque sorte. Sa rencontre avec les Canadiens ne pouvait manquer (peut être la cherchait-il ?). Une femme sur sa porte l’avertit de l’évènement. Il continua en lui répondant « je vais voir, Madame ». 

Dès qu’il fut aperçu par les Canadiens, il fut salué de quelques coups de feu. Se jetant au pied de la haie qui bordait les jardins, il fut relevé comme prisonnier.

Les éclaireurs étaient suivis d’une compagnie qui continua après le carrefour, en direction de la rue Blanquart (actuelle rue Jules Guesde) ils n’avanceront pas plus loin que le carrefour de la Drève.

Les soldats étaient de plus en plus nombreux. Ils étaient accompagnés de mulets, attachés à la file par trois, chargés de toutes sortes de colis. Là où les roues ne passaient plus, eux passaient toujours. Ils franchirent les décombres du carrefour avec une aisance qui faisait plaisir à voir.

Avertis du barrage qui les attendait, ils cantonnèrent chez nous et organisèrent leurs services dans les maisons et les fermes environnantes. Nous étions le samedi après midi, on devinait que la bataille se préparait. Après avoir placés des sentinelles, aidés par les gens du quartier, ils organisèrent un passage dans le carrefour éventré. Chacun y mettait du sien, on était fiers de travailler avec nos soldats, on avait l’impression de participer à la victoire.

Une mitrailleuse fut installée au centre de la cour de la ferme et se mit à tirer sans arrêt, assez haut en direction de Valenciennes. Sans qu’on en comprenne la raison.(*) Avec les planches des chariots et quelques piquets, ils édifièrent un échafaudage afin de pouvoir tirer au dessus du mur, vers Bellaing.

Dès l’aube, le dimanche 20, les combats s’engagent. Des soldats écossais (en fait des soldats du 13ieme Bataillon de Highlanders Canadiens) arrivent du village et débordent par le chemin du Chau-chau. Les nombreux saules les abritent de la vue des allemands. Quand les premières vagues furent aperçues, les canons de la cachette (mortiers) ouvrirent le feu. Au départ du coup, les officiers donnaient un coup de sifflet et tous se jetaient au sol, pour se relever et repartir aussitôt les obus arrivés.

De par sa situation sur le champ de bataille, le ferme de l’oncle Auguste (38 rue Paul Lafargue) faisait comme un rempart entre les belligérants et protégeait nos alliés.

LE CAPORAL GRAY

Un petit groupe parvenu au pied des bâtiments pénétra dans la maison par la porte arrière. Après la surprise et les présentations, ils mirent des rations sur la table et demandèrent de leur préparer un bon café.

Le chef de groupe, le caporal GRAY, mis cette pose à profit pour aller observer ce qui se passait en face. Il progressa vers l’ennemi en longeant la route au bord du fossé. Arrivé a proximité du café (77 rue Paul Lafargue) il se coucha sur le pont du chemin des pâture (il n’existe plus, un drain ayant été installé) de là, il pouvait découvrir le dispositif de l’ennemi : l’emplacement des obusiers, du nid de mitrailleuse installé près de la maison au bord de la voie ferrée abritant de nombreux tireurs.

Pendant le temps où notre caporal faisait ses découvertes, non loin de là, à 500 mètres environ, un sergent allemand observait à l’aide de ses jumelles, la progression des canadiens.

Soudain il aperçoit notre observateur. Le garde-barrière l’avait également vu et espérait que le « boche » ne le verrait pas. Sans le quitter des yeux, il demanda un fusil à un de ses hommes puis tira trois fois. Touché, le caporal Gray roula dans le fossé où il expira.

Abrité derrière le mur de la ferme, mon cousin et moi, malgré la mitraille, regardions la progression des soldats. Ils passaient par vagues successives. Après que le dernier groupe ait disparu, un soldat resté couché parmi d’autres, nous ayant aperçu, nous fit des signes désespérés avec son casque. Profitant d’un moment d’accalmie dans les tirs, vivement nous arrivons à sa hauteur. Il ne pouvait plus marcher, il avait une balle dans le genou qui était aussi gros qu’un ballon de football, c’était d’autant plus affreux qu’il était en kilt. Il nous demanda de l’aider a se mettre a l’abri. A deux nous l’avons ramené jusqu’au mur de la ferme. Avec l’aide d’un voisin, on le rentra dans la maison où il prit du café en attendant les secours. Les infirmiers sont venus le chercher, répondant à ses plaintes pour le consoler, ils lui dirent « tu as de la chance, pour toi la guerre est finie »

L’infirmerie et la cuisine roulante étaient installées dans les fermes de la rue Blanquart, près du carrefour du Pont de pierre.

Malgré sa maison éventrée, Floris Brassart, artisan charron, était mobilisé à faire des cercueils. On ramassera beaucoup de morts et davantage de blessés sur le champs de bataille du Remprez. 

Le lundi matin, on s’aperçut que les allemands avaient décrochés a la faveur de la nuit, c’est à ce moment que furent libérés Arenberg et Bellaing.

Malgré les maisons démolies, les villageois étaient en liesse. Chacun étant occupé a remettre tout en ordre, comme après une tornade.

Les autorités civiles demandèrent aux jeunes garçons de notre age de ramener à la mairie toutes les armes qui étaient restées sur le terrain ;  pour nous c’était comme un jeu, et c’était à celui qui en rapporterai le plus grand nombre.

En souvenir du caporal Gray, j’ai conservé sa baïonnette, il était le seul dont j’avais le nom. Mon oncle me l’ayant dit.

La fréquentation d’un champ de bataille réserve de désagréables surprises. Alors que nous recherchions les armes, nous apercevons ce que nous pensions être un kilt, de l’autre coté de la fontaine, parmi les grandes herbes. Après avoir trouvé un passage, nous rejoignons notre trouvaille. La nous découvrons que le kilt est porté par un soldat mort, couché sur le ventre, la figure baignant dans son casque. Il va de soi que nous n’avons pas touché au kilt (dans ses temps de grande pénuries, nous récupérions les kilts autant que possible, vu leur grande quantité de tissu).

Au sujet du kilt, afin de le protéger au combat, une toile cirée qui était dissimulée dans un pli était déployée autour et servait de housse.

Un peu plus tard, il y eu un grand défilé dans le village, avec les soldats et leur fanfare. Le plus beau jamais vu dans Wallers, tout le monde y participait.

Les soldats tués furent enterrés dans le vieux cimetière derrière l’église, avant d’être exhumés et regroupés dans le cimetière d’Auberchicourt.

Les tués à Wallers :

- Le lieutenant STEWART
- Le caporal GRAY
- Le caporal BARKUST 
- Le soldat MOORIS
- Le soldat DEAN
- Le soldat FERGUSON
- Le soldat SHEPHERD
- Le soldat GILLOLY 
- Le sapeur LLOYD

Le lieu de la mort du caporal Gray :

Sa baïonnette :

N’oublions jamais leur sacrifice.

documents : The 13th Battalion Royal Highlanders of Canada, 1914-1919

(*) à partir de 1917, l'utilisation des mitrailleuses en tir indirect se développe essentiellement pour interdire des itinéraires ou des zones particulières à l'ennemi. Dans ce cas, le tir est effectué jusqu'à 3500m et nécessite l'emploi d'un niveau qui rappelle en miniature les niveaux employés par l'artillerie.
Il s'agit de réunir un grand nombre de mitrailleuses qui entretiennent un feu constant pendant un certain temps( au moment d'un assaut par exemple).
Cette méthode avait été mise au point par l'armée anglaise et fut employée pour la première fois lors de l'offensive du 20 août 1917 à Verdun.
Dans ce cas, le tir est bien entendu effectué au dessus des troupes amies et nécessite des marges de sécurité, il s'apparente, toute proportion gardée, à un tir d'artillerie. 
(NDW. Merci Guy alias ALVF) 

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